Sam Goodchild, skipper de Leyton, s’est gravement blessé aux bras et au visage dans les premières minutes de la course. Secouru par les sauveteurs de Saint-Malo, il a été transporté à l’hôpital. Nouvelle mobilisation au milieu de la nuit. Les sauveteurs de Roscoff sont venus en aide à Antoine Magré, dont le voilier Palanad 3 s’est couché après avoir tapé des cailloux, au large de l’île de Batz, en pleine nuit. Le lendemain matin, les Sauveteurs en Mer batziliens ont été appelés pour venir en aide au PiR2, signalé en avarie de propulsion. Ils ont remorqué et mis en sécurité à quai le voilier au port du Bloscon.
Puis les bateaux de course se sont éloignés des côtes françaises. Quelque 3 500 milles et un peu moins de sept jours plus tard, les sauveteurs locaux étaient au rendez-vous pour l’arrivée du vainqueur. Un événement qui a attiré de nombreuses personnes en mer, avec des conséquences malheureusement dramatiques malgré l’intervention des bénévoles.
Un accident mortel endeuille l’arrivée du vainqueur
Un navire, venu accueillir le vainqueur de la course transatlantique, enfourne sous l’effet d’une houle mécanique, due à la présence de plus de deux cents embarcations. C’est la catastrophe.
Cela aurait dû être un moment de liesse. Dans la nuit du 15 au 16 novembre 2022, deux cents à trois cents bateaux de toutes tailles étaient sortis afin d’acclamer Charles Caudrelier, vainqueur de la douzième édition de la Route du Rhum - Destination Guadeloupe. Mais cet événement s’est transformé, en quelques secondes, en drame absolu. L’important nombre d’embarcations a provoqué une forte houle mécanique, sous laquelle le bateau à moteur Coralia, transportant onze personnes, a enfourné1. Il s’est aussitôt retourné, projetant ses occupants à l’eau. Plusieurs d’entre eux sont restés piégés sous la coque.
Les Sauveteurs en Mer de Pointe-à-Pitre sont sur la ligne d’arrivée avec leur vedette de deuxième classe SNS 263 Fotis G. Poulides depuis plus d’une heure. Sans avoir été sollicités par l’organisation ni par les autorités maritimes. Mais, conscients qu’un événement de cette ampleur peut provoquer des accidents, ils ont pris les devants. À raison. Vers cinq heures, un appel sur la VHF signale qu’un navire suiveur a chaviré et que des personnes sont à l’eau. Sans délai, la vedette réagit et se rend sur place en moins de trois minutes. L’équipage sécurise la zone, envoie des bouées couronne et récupère quatre des naufragés, positionnés à califourchon sur la coque. Cinq autres ont déjà été recueillis par des navires présents. Une femme a été extirpée tant bien que mal par le haut de son gilet de sauvetage, dont une lanière s’était coincée dans un taquet. Elle est indemne.
Les bénévoles de la SNSM restent en liaison permanente avec le centre régional opérationnel de sauvetage et de surveillance (CROSS), qu’ils tiennent informé du déroulement des opérations. Ils apprennent que deux victimes sont bloquées sous le bateau retourné et envoient aussitôt deux équipiers à leur secours. Ils réussissent à extraire l’une d’elles, en arrêt cardiaque, et à la hisser sur le Zodiac® de la gendarmerie maritime, puis à la transférer sur la vedette de la SNSM. Les sauveteurs tentent immédiatement une réanimation cardio-respiratoire. La seconde victime, également en arrêt cardiaque, est récupérée par un plongeur de la gendarmerie et embarquée dans la foulée sur un Zodiac® du patrouilleur de la marine La Résolue, présent sur zone pour cette arrivée.
Les canotiers se relayent au massage cardiaque
Les canotiers secouristes Christophe Grasset et Christian Fortin se relayent au massage cardiaque. En même temps, en accord avec le CROSS, la vedette et le Zodiac® du patrouilleur regagnent la station de Pointe-à-Pitre. Ils y arrivent après une dizaine de minutes, où les pompiers, puis le SAMU les rejoignent pour prendre le relais et tenter de réanimer les deux hommes de 35 et 38 ans. En vain.
En parallèle, le patron de la vedette, Fabrice Lemesnager, maintient le contact radio avec le CROSS. Les neuf rescapés sont pris en charge par les sapeurs-pompiers et conduits à l’hôpital pour examens. Un homme ayant avalé beaucoup d’eau et de fuel en se dégageant du dessous la coque est hospitalisé et placé sous oxygène.
L’intervention n’est pas terminée. À 6 h 35, les autorités demandent aux sauveteurs de repartir sur les lieux de l’accident. Il faut récupérer l’épave. Les nageurs de bord frappent une remorque sur l’étrave du navire renversé, qui est ramené à la station. Il est ensuite redressé et vidé de son eau.
Cette intervention difficile n’aurait pas été aussi efficace sans la formation au secourisme suivie par les équipiers présents. Elle leur a permis de réagir rapidement et à bon escient. Mais cette expérience les a fortement marqués. L’équipage a, plus tard, été reçu par une cellule d’urgence médico-psychologique. « Cela a été humainement très éprouvant, souligne Christian Grasset. Nous avons la consolation d’avoir fait notre maximum. »
Article rédigé par Caroline Guézille, diffusé dans le magazine Sauvetage n°163 (1er trimestre 2023)
1 Enfourner : enfoncer la proue et une partie du pont d’un bateau sous l’eau.